Comment exploiter ses propres terres agricoles ? est-ce possible sans qualification agricole ?

Les raisons de vouloir exploiter soit même ses terres sont multiples et protéiformes (volonté d’un retour à la terre, trouver du sens dans son travail, faiblesse du rendement locatif ou encore absence de preneur…).

La principale motivation réside généralement d’une part dans le caractère très strict du statut du fermage et donc du bail rural et d’autre part dans sa très faible rentabilité économique.

  • Un chemin semé d’embuches

En France, aussi bizarre que cela puisse paraître pour un pays fondé sur le droit de propriété, un propriétaire de terres agricoles n’est pas libre de disposer à sa guise de celles-ci. L’État a créé au fil des années un cadre strict pour assurer une souveraineté alimentaire. Certes cet objectif est noble mais il n’en reste pas moins difficile à comprendre lorsque l’on est confronté à ses limites.

Il existe donc en France une procédure de contrôle des structures. Cette dernière a pour objectif d’autoriser ou non l’exercice d’une activité agricole sur des terrains déterminés, que ce soit pour des opérations d’installation, d’agrandissement et de consolidation.

Le contrôle ne porte pas sur la propriété mais sur la jouissance et donc la capacité d’exploiter les terres. Cette procédure administrative s’applique quel que soit l’acte en vertu duquel l’exploitation est transmise (bail rural, convention d’occupation, mise à disposition à titre gratuit, propriété…). La seule exception au contrôle des structures est lorsque le propriétaire des terres qui souhaite les exploiter dispose d’une capacité professionnelle agricole (diplôme ou expérience) et que la surface à exploiter ne dépasse pas les seuils fixés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA).

La première étape dans l’exploitation des terres est donc le contrôle des structures.

Il existe deux procédures dans le contrôle des structures. La première est un régime dérogatoire bien plus léger à mettre en place mais réserver à l’exploitation de biens de famille se limitant à une simple déclaration.

Le régime de la déclaration préalable prévu à l’article L331-2 II du Code rural est application pour les biens agricole reçu par donation, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au 3ème degré inclus. Ces biens doivent être libres de location et détenu par le parent ou allié depuis au moins 9 ans.

Le repreneur des terres doit aussi satisfaire aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle (diplôme ou expérience). Sous certaines conditions les biens ne doivent pas non plus faire dépasser par l’exploitant les seuils déclenchant le régime de l’autorisation d’exploitation prévu par le SDREA.

La formalité de la déclaration est réalisée par courrier en LRAR au Préfet du département où est situé le siège de l’exploitation agricole. Aucun formalisme rédactionnel n’est prévu par l’article R 331-7 du Code rural, en dehors de la localisation et la superficie des surfaces ainsi exploitées.

  • Le point central : la capacité agricole

L’absence de capacité agricole entraine de facto l’exploitant vers le régime de l’autorisation plutôt que la déclaration. Au-delà des règles plus strictes l’exploitant se retrouve en concurrence avec d’autres pour l’exploitation de ses propres terres !

En pratique toutes les demandes d’autorisation d’exploiter pour les mêmes terres sont instruites par la Commission Départementale d’Orientation de l’Agriculture (CDOA) qui classe les demandes en fonction des rangs de priorité définis par le SDREA. En théorie la commission applique strictement les rangs de priorité mais dans la pratique il arrive que le propriétaire des terres ait l’autorisation d’exploiter même s’il n’est pas le mieux classé.

Afin d’éviter tout risque, le propriétaire diligent peut suivre des formations professionnelles rapides (un an) afin d’obtenir la capacité professionnelle et ainsi se placer dans les conditions de la déclaration d’exploitation.

  • QUID du mode d’exploitation : directe ou déléguée

Une fois l’autorisation d’exploiter les terres, l’exploitant peut choisir entre une exploitation directe ou déléguée. La première implique de suivre personnellement la gestion des terres, d’acquérir du matériel agricole, de vivre à proximité des terres exploités bref de faire choix d’une carrière agricole. La seconde est l’exercice au moyen d’une Entreprise de Travaux Agricoles (ETA), une forme de sous-traitance. Dans cette dernière option, il est bien plus aisé d’être pluriactif ou de résider plus loin par exemple.

Il est nécessaire dans ce cas de rester vigilant à ce que l’exploitant reste chef d’exploitation, donneur d’ordre. Dans le cas contraire une requalification en bail rural du contrat de délégation est possible et donc l’application du statut très restrictif du fermage.

Une fois la possibilité d’exploitation acquise, il est nécessaire de se pencher sur le statut juridique et fiscal de l’exploitation (EI, EARL, GAEC, SCEA…), ces questions font l’objet d’un autre article.

En bref, il est donc fortement conseillé de s’entourer afin de mieux appréhender les enjeux juridiques de ces opérations.

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